Quelle est la valeur d'une danse; et peut-on les comparer? Bon, un très long message...
Il y a de nombreuses raisons de danser: conformisme basique, devoir militant, frime vulgaire... mais je n'en connais qu'une bonne: le plaisir. Je crois que les anciens dansaient essentiellement pour ça, et non pas pour maintenir leur forme / tasser la terre / resserrer les liens communautaires, ou toute autre petite histoire débile inventée par les historiens de la danse qui eux-mêmes ne connaissent pas le plaisir de danser.
Aussi, on peut souhaiter danser une danse pour apprendre cette danse --comme les gosses, notamment dans un contexte traditionnel. Même là, il peut (doit?) y avoir un plaisir, ne serait-ce que le plaisir d'apprendre, celui d'exercer son corps-esprit --comme les gosses.
Donc, selon moi, si on devait juger les danses, ce serait selon leur potentiel de plaisir.
Dans les bals folks, un aspect qui me tient à coeur est que les danses y sont des danses populaires, dansables et dansées par (presque) tous, et donc techniquement modestes; par opposition à des danses d'élite qui nécessitent un enseignement/apprentissage technique littéralement hors du commun, et qui donc ne s'addressent pas à tous. Néanmoins, certaines danses bien que populaires semblent très franchement plus difficiles (bourrée 3t, valse, fandango...). Je ne sais pas si cela vient du fait que dans dans notre culture nous sommes psycho-physiquement handicapés, que nous n'avons plus les pleines capacités humaines naturelles, ou d'une autre raison; par ex, celles que je cite sont à 3t, or nous avons 2 pieds; d'un autre côté, depuis tous petits nous écoutons et dansons du 2t, si tant est que nous dansions: peut-être que le 3t n'est pas dur par nature, peut-être qu'on est atrophiés dans notre culture, comme pour la faculté de plaisir (voir plus loin).
De ce point de vue populaire, la technicité d'une danse serait un "moins", vu qu'elle empêche beaucoup d'y entrer ou d'en jouir, en tout cas d'en jouir autant que possible. Pour jouir d'une danse à fond, il faut être à fond; et pour cela, il faut l'avoir assimilée à fond psycho-physiquement. Donc, la valse vaudrait moins que la scottish ou la polka. Ha!
D'un autre côté, une source vraiment naturelle de plaisir est d'être exploité (sic!) aussi à fond que possible. Pratiquer ou être guidé en quelque chose qui tire le meilleur de soi, ici en danse, qui use à fond de notre potentiel, ici de mouvement. Les gosses recherchent cela tout le temps; en couple, un bon meneur parfois ou par moment exploite le potentiel du suiveur autant que possible, lui faisant ainsi ressentir à quel point il peut être bon et beau en (cette) danse(-là). De ce point de vue d'"expoitation", la technicité d'une danse est un plus.
Lorsqu'une danse plus difficile surgit au cours d'un bal facile, parmi les gens qui s'y jettent une proportion plus ou moins grande s'éclate; mais les autres sont exclus; mais ils apprennent à la connaître...
Un point distinct mais relié à cela est le collectif, ou mieux la communion. C'est une source de plaisir potentiellement énorme; si vous connaissez pas, là il faut me croire sur parole. A nouveau, la difficulté ou technicité de la danse n'entre pas en jeu: ça marche aussi bien sur un hanter dro que sur une dans fisel avec les ciseaux; ou plutôt, ça marche mieux car tout le monde y est inclus et à l'aise sur l'hanter dro.
Si le collectif est source de plaisir, alors les danses en rond sont supérieures aux farandoles, qui sont supérieures aux chaînes courtes (type rondeau), qui sont supérieures aux cortèges, qui sont supérieures aux jeux à 2 (type bourrée, pizzica), qui sont supérieures aux couples ouverts (type rock), qui sont supérieures aux couples fermés.
Je pense pas ça.
Une troisième source de plaisir est la fusion. On la trouve essentiellement dans les danses à 2 de toutes formes, rarement à plus de 2. C'est l'impro commune, ensemble. Comme lorsqu'on part en live seul, inspiré (ce qui est déjà rare), mais là avec quelqu'un d'autre, comme si l'on ne faisait plus qu'un corps-esprit. Pour moi, c'est ça qui est bon en danse de couple, quand ça marche c'est terrible, ça déclenche un plaisir et une émotion incomparables, mais pas forcément plus forts que ceux du collectif, juste très différents. Dans les deux cas, il y a aussi un sentiment: une forme d'amour, des autres ou de l'autre (et de soi et de la danse et de la vie...). Ca fait rire aussi, parfois, de surprise devant ce qui s'invente (la forme que la danse prend) à notre insu.
Il y a peut-être autant de formes de plaisir que de styles de danse. Je crois que ça nous amène à la subjectivité, précisément aux goûts et désirs personnels: chacun apprécie telle ou telle chose, plus ou moins. Mais ça, je crois que c'est une fausse réponse. Je crois que tout humain pleinement humain peut aimer toute danse humaine vraiment populaire; quels que soient la forme générale, le "puls", le pas, la figure... Mais notre culture est telle que nous somme moralement et émotionnellement amputés, distordus, atrophiés (j'ai envie de dire lobotomisés), la plupart d'entre nous en tout cas, et plus ou moins différemment chacun selon son histoire.
Ces danses-là, populaires, naissent et se répandent et se transforment comme cela et pour cela: sources de plaisir. Il y a certainement des variations individuelles, sûr, mais de là à ce que certains ne puissent absolument jamais jouir de telle danse, voire de toute une catégorie de danses (ronds, jeux, figures)...
Je crois vraiment qu'un vrai sage, un être vraiment humain, est aussi voire avant tout quelqu'un capable de jouir de tous les bonheurs humains de la vie petit & grands, donc ici de toute les vraies danses populaires. (C'est aussi une personne saturée d'humour, de poésie, de passion... et aussi d'échange, d'entraide, d'altruisme... mais là je sors du sujet). La plupart d'entre nous sont atrophiés sur ce plan; moi le premier.
Il y a aussi une question d'humeur, de moment: quand on est d'humeur à carrément déconner ensemble, la danse des canards c'est génial! non? si? (Pas le machin du pingouin ivre, c'est trop dur...)
Ce que j'entends par une vraie danse populaire est une danse créée spontanément et qui se répand parce qu'elle est bonne; bonne à danser. Peut-être que la question de savoir si la création est culturelle ou collective ou individuelle, si elle s'est faite dans l'instant, en une soirée, ou au cours des siècles et des siècles, est accessoire; ou non. C'est un peu comme une bonne chanson populaire. Il y a des questions d'inspiration, de justesse, et aussi d'affinage et de mutation lorsque la chose se transforme. Le bon moteur de tout cela est l'intuition, c'est ce qui nous permet d'inventer une chose juste et vivante, que l'on soit seul ou à mille, en un instant ou le long de générations.
L'inverse, pour moi, c'est lorsque l'on se fie au mental seul, ou pire au dogme, pour composer une chose artificielle, morbide, qui repose sur la forme technique. Beaucoup de danses modernes sont ainsi, et des styles entiers (le ballet classique). Sous mon regard, certaines formes de tango, technique, compétitif, de performance, paraissent en grande partie morts pour cela, bien qu'il reste souvent, suivant les danseurs, une part de vrai au coeur de la chose, peut-être héritée de l'origine populaire du tango; quand c'est le cas, le plaisir transpire littéralement de la danse et des danseurs.
Peut-être que la culture joue aussi une rôle dans ce qu'on peut faire et aimer plus ou moins. Les ronds de Bretagne sont si différents de ceux de Gascogne. Est-ce par accident, ou ces différences reflètent-elles d'une façon la culture? ou ce que que les gens de cette culture peuvent aimer le mieux? Peut-on imaginer les bretons du XVIIIè danser des rondeaux des Landes, et aimer ça? Les ronds de Sardaigne sont étrangement similaires à ceux de Bretagne... faut-il en conclure quelque chose?
Finalement, c'est beau quand il y a plaisir, et inversement.
(Je m'suis lâché, là!) Qu'en pensez-vous?
Message ajouté après : 6 minutes: les temps sont dur pour les Trolls,
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au final la guerre c'est plus propre...
Lanost, et si tu virais les trucs clignotants sur ton avatar et ta signature? Perso ça m'prend le chou grave, du coup je passe tes posts pour virer ça de ma vue; et puis au mieux c'est sympa la première fois (comme une blague relou).
denis