Tu commences ton texte et tu ratures, tu ratures, tu ratures encore. T'as la pudeur qui prend le dessus, la hantise de la mièvrerie et de la tournure juste là pour faire joli, alors tu recommences tout et tu attends. Tu voudrais des mots qui claquent comme leur notes à eux, des phrases bourdonnantes et cadencées. Tu galères. Comment faire pour parler de ça, dire que ça te dresse les poils, cette musique froide et nerveuse, que ça te remplit d'une mélancolie sans remède ni paroles, la couleur des harmoniques, ça te frissonne sous la peau, ça te coule dans le cou, tu vois les doigts long et fins qui courent sur le bois, les corps aussi secs que les âmes sont girondes, tant de beauté te chavire, la danse se fait transe et tout ce que tu empiles dans un coin vient déborder par les yeux.
Tu te relis, tu soupires, t'as pas assez insisté sur la justesse de cette musique, sur son évidence, sur la complicité de ces deux grands idiots de génie, la vielle et la cornemuse qui se cherchent et se courtisent, et les pieds de Joanny qui rendent le tout irrésistible. C'est du groove en barre, c'est du kiff à paillettes, c'est de la musique à danser avec les pieds et ton petit coeur en guimauve bien accroché.
Et bim, t'as pas échappé au mièvre, ma cocotte.
- Nuit de la Bourrée en Limousin 2016.