A ce stade de la discussion (j’ai l’impression qu’on n’est jamais allé aussi loin !) le moment est sans doute venu d’évoquer une réalité un peu dérangeante : la démarche de JM Guilcher a été largement héritière des perspectives dominantes au XIXe siècle, cherchant à retrouver dans les traditions paysannes les souvenirs d’un passé lointain. Elle n’a pas été ethnologique au sens où on l’entend généralement. C’est ce qui explique, en particulier, suite aux grandes enquêtes du CNRS en Aubrac (1964 et 65 pour ce qui est des danses) l’abîme qui sépare les articles de JM Guilcher des films réalisés par Jean-Dominique Lajoux. J’ai eu l’occasion d’en parler avec ce dernier et il m’a dit que JM Guilcher, avec qui il a eu des relations tendues, aurait voulu qu’il filme des reconstitutions de danses, expliquées par des anciens et sorties de la pratique à l’époque de l’enquête. Il a refusé et n’a filmé que des bourrées “vivantes”.
Ceci n’enlève rien, en ce qui me concerne, au respect infini que j’ai pour les travaux, immenses et opiniâtres, de JM Guilcher. J’ai eu, par ailleurs, l’occasion de l’entendre parler de l’œuvre de Coirault et c’était d’une intelligence lumineuse. Il est bien regrettable que les autres pays d’Europe n’aient pas eu de chercheur de cette envergure, ce qui laisse de très grandes zones d’ombre dans une histoire qui, bien sûr, ne concerne pas que la France.
Les limites de l'imposant travail de JM Guilcher sont à mon avis contenues dans cette "vision" que je pense effectivement héritière de ce que Mustradamus appelle très justement "les perspectives dominantes" du XIXe siècle. Ce qui n'est pas vraiment choquant, me semble-t-il à cette époque. Il me semble me rappeler, au hasard d'émissions, notamment sur Culture, que c'est une critique qu'on peut faire à pas mal d'ethnologues et si j'ai bien compris, c'est cette critique post-coloniale de l'ethnologie qui donna naissance à la socio-anthropologie. Il n'est pas interdit de me corriger si j'écris des conneries.