Je sais pas ce qu'il faisait à la messe, mais le musicien traditionnel ne jouait pas de clairon à la fanfare.
(...)
il me semble que ce genre d'ensemble appartiendrait à l'ère industrielle et au bourg - et que l'intégrer serait justement un des actes qui symbolisent la fin de l'ère traditionnelle.
Tirno, cette vision des choses me semble extraordinairement étriquée !
"La fin de l'ère traditionnelle", c'est quand ? Après la 1ère guerre mondiale ? Un peu plus tard avec l'exode rural ? Avant avec la révolution industrielle ? C'est forcément à nuancer fortement suivant les endroits et les milieux, et la frontière est forcément plus poreuse que ce que tu sembles dire... bref je ne vois vraiment pas d'impossibilité technique à cette histoire de fanfare.
Mais avant tout, ce qui me pose problème dans cette recherche de la fameuse limite fatidique ("la fin du monde traditionnel"), c'est qu'elle nous fait tendre dangereusement vers une vision mythique d'un âge d'or. C'est la porte ouverte à un gros fantasme de pureté. A ce propos, je trouve frappant que tu parles d'"acte symbolique". Pour grossir le trait : le musicien traditionnel perd son crédit aux yeux du tradeux moderne dès lors qu'il peut techniquement avoir mis les pieds dans une fanfare...
Le gros problème avec les écrits d'Yvon Guilcher, c'est sa définition de "traditionnel". Il y aurait un "avant" et un "après"
(...)
La réalité est complexe et, personnellement, l'approche ethnologique me paraît souvent plus pertinente que l'approche historienne pour essayer de l'appréhender.
Merci pour tes posts Mustradamus, enfin un grand bol d'air ! Je respire un peu

Eh oui, "avant" et "après", c'est le grand postulat, quasi implicite - alors que dans le fameux bouquin constamment cité sur ce forum, YG souligne volontiers qu'on a peu ou pas de faits historiques permettant de dire si les choses auraient toujours été stables (ou pas) "avant". A ce compte-là, pourquoi est-ce que ce ne serait pas "encore plus trad" avant les guerres napoléoniennes, ou avant la Renaissance, tant qu'on y est ?
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Au final, personne ne dispose de données historiques... donc je peux croire ce qui m'arrange ou me fait plaisir

Bref, vu le peu qu'on sait, l'approche ethnologique aurait forcément plus à nous dire que l'histoire ? Ca, c'est un argument qui se tient.
Ce qui fonde la tradition c'est principalement le mode de transmission du fait culturel. Il faut qu’il y ait contact humain direct, ceci, encore une fois, dans un milieu socio-culturel (géographique) donné.
La distinction que tu fais sur le mode de transmission me semble essentielle. De ce côté là, je vois des critères assez nets : écrit / oral; enseignement/imprégnation; milieu fortement professionalisé/forte pratique amateur...
Je vois là une distinction assez nette, non pas entre trad et pas trad, mais entre musiques populaires et musiques savantes.
Personnellement, au final, je crois que, plus que les musiques trad, c'est les musiques populaires qui m'intéressent. Et que la principale raison, c'est le rôle particulier qu'y joue le musicien, le fait qu'il s'approprie complètement l'oeuvre qu'il joue. Bon ok je sais bien que l'interprète a un rôle important aussi en musique savante... mais dans les musiques que j'écoute ou pratique, l'oeuvre en elle-même a peu ou pas de valeur (s'il y a un auteur identifié, on l'oublie souvent assez vite). Ce qui fait le gros de l'enjeu artistique, c'est l'interprétation, le son, le style, la version du musicien, sa touche personnelle, et ce à l'intérieur d'un cadre ou d'un genre donné. Que ce cadre soit un tradition séculaire, ou juste un épisode historique de quelques dizaines d'années, finalement à mon sens ça change assez peu la donne (en tout cas ce n'est pas du tout ma préoccupation)
Si je vous dis "Hey Joe" vous pensez à qui ? pas à l'auteur, on n'est même pas sur de qui a écrit cette petite chanson de 3 accords. En revanche le titre évoque tout de suite un guitariste célèbre, son style personnel... et dans la foulée un son, une forme d'exp
ression musicale, et le nom de plein d'autres musiciens connexes. Quant à un éventuel débat pour savoir si le blues électrique est une forme de tradition ou pas... je vous dis tout de suite : je passe mon tour

J'ai pris mon parti de mélomane et de musicien: ce qui m'intéresse c'est les formes populaires de musique - je ne pousserai pas beaucoup plus loin la réflexion, ça me suffit.
Bon ok avec tout ça on ne ne sait toujours pas ce que c'est que le trad - vous aurez compris que ça ne m'empêche pas de dormir

Le jazz, le rock, la chanson, etc. sont, de nos jours, essentiellement transmis par l’écriture ou l’imprégnation médiatique.
Je serais plus nuancé là-dessus.
OK pour le peu que je connais du jazz récent - c'est clairement devenu une musique savante (je connais peu de jazzeux sans formation musicale, et aucun qui ne sache pas lire). En revanche pas mal de rockers (au sens très très large du terme) travaillent exclusivement d'oreille, et apprennent sur le tas auprès d'autres musiciens. Pour ce qui est de l'"imprégnation médiatique", ce qui est en jeu la diffusion d'enregistrements. Ca, aucune musique n'y échappe... et j'y viens :
Pour le baladeur, j’ai personnellement tendance à considérer ça comme une forme d’écriture. Mais ça peut se discuter.
Là tu mets le doigt sur le phénomène majeur du 20ème siècle qui est l'apparition de l'enregistrement, qui permet d'apprendre "par repiquage" et sans contact direct. OK cette forme d'apprentissage fige les choses. Mais ça reste néanmoins de l'apprentissage oral, par définition, non ?
En tout cas, ce phénomène concerne toutes les musiques populaires (j'entends par là : d'apprentissage oral et informel - donc y compris le rock, la chanson, le "revivalisme/trad/folk/appelez ça comme vous voulez...") - et ce qu'on le déplore ou qu'on s'en réjouisse.
Et alors là, oui, pour le coup, c'est clair, il y a un "avant" et un "après". Les gens qui font du trad irlandais ont surement entendu parler de l'impact majeur prêté à la diffusion des premiers enregistrements grand public de violon faits aux USA, avant guerre. Mais vu le boom du nombre d'enregistrements et leur diffusion exponentielle au cours des 50 dernières années, je crois qu'on n'a pas du tout le recul pour savoir quel genre d'outil on a entre les pattes. En tout cas c'est énorme et on n'a pas fini d'en voir les implications, notamment pour ce qu'on appelle entre nous la musique trad.
Pour ce qui me concerne (et c'est le cas de pratiquement tous les musiciens que je connais) je n'ai que 2 façons d'appendre : par repiquage ou par contact direct. Sachant que ce que j'apprends par contact direct est, dans la grosse majorité des cas, le fruit d'un repiquage... En Irlande ça reste encore beaucoup moins le cas, mais tout de même de plus en plus chez les jeunes.
Cette tendance me semble impossible à inverser.
Ce qui peut changer avec le boom du numérique, c'est qu'il y a tellement d'enregistrements disponibles que les gens pourront varier leur sources. En trad, c'est déjà largement le cas, si on compare par rapport à il y a 20 ans.