Nouveau venu sur votre forum, j'espère ne pas commettre de faute en publiant ce sujet, qui a surement déjà été âprement débattu ailleurs, et surement avec talent.
J'ai déjà commenté sur le débat, indiqué 10 CD importants pour moi, ça peut vous donner une idée "d'où je parle".
Je ne revendique aucune objectivité, ce qui ne signifie pas que je n'essaie pas de questionner avec honnêteté, mais aussi engagement.
Il me semble que la vision romantique d'un peuple, d'une société traditionnelle "pure", qui aurait conservé la mémoire ancestrale, parce qu'il évoluait peu, cette vision que je trouve méprisante et paternaliste (sous couvert d'intérêt bienveillant, un peu comme quand on dit à un noir qu'on ne connait pas qu'on adore la danse africaine ) ne me semble hélas pas complètement éteinte. C'est une vision que je trouve simpliste.
Parler de rupture, c'est envisager un avant et un après assez net. On pourrait presque dater.
Or, il me semble que c'est plus compliqué que ça. Bien sûr nous ne vivons plus dans un société paysanne. Aujourd'hui les paysans dans la population (en terme de pourcentage) ça doit être à peu près ce que représentaient les non-paysans jusqu'au XIXe siècle. Mais ça ne s'est pas fait en un temps si court, ni partout à la même vitesse (même sur un territoire parcourable sans moyens de locomotion moderne).
Dès le XIXe siècle, commence une vraie révolution agraire. C'est le début de la généralisation de la mécanisation (oui la mécanisation ce n'est pas le moteur à explosion). On sélectionne activement les animaux pour améliorer la race. Les grandes famines sont terminées. On devient plus productifs, les enfants meurent moins, l'exode rural débute. Le romantisme créé un engouement des intellectuels pour le peuple et ses cultures, avec déjà deux camps qu'on retrouve aujourd'hui, un légitimiste et regrettant l'Ancien Régime et l'autre acquis aux idées révolutionnaires. Mais ce petit monde folkloriste se côtoie tout de même, comme nous aujourd'hui.George Sand admire le Barzaz Breiz. Mais finalement, quoique leurs opinions politiques divergent, ils appartiennent au même monde et la culture populaire leur permet de projeter leurs fantasmes sans être trop contredits. ¨Pour moi cela relève toujours du mythe du "bon sauvage".
Surtout les populations sont surement plus mobiles qu'on ne le pense. Evidemment, comme nous sommes nés dans une société motorisée, nous avons du mal à envisager de marcher plus de quelques kilomètres. De plus, nos agendas surchargés de travailleurs consommateurs minutent notre vie. Mais au XIXe siècle, la conscription fait voyager les hommes célibataires, notamment les plus pauvres qui ne peuvent pas payer leur remplacement. Le corpus de chansons de conscrits est assez conséquent ce qui montre l'importance de ce phénomène.
Le revivalisme, le folklorisme sont déjà présents au XIXe siècle, le revivalisme des années 70 n'est qu'un avatar de plus. Qui a ses particularités mais qui montrt des similitudes nombreuses avec les précédents et notamment avec celui du XIXe emprunt de romantisme. Des jeunes éduqués, en révolte contre la société dans laquelle ils évoluent, se tournent vers une société parallèle à la leur. Et découvrent des perles.
Par la suite j'illustrerais mon propos par des exemples. j'envisage de mettre des extraits de chanteurs du pays montagne, à travers les plus vieux enregistrements jusqu 'aux chanteurs d'aujourd'hui. Aussi avec leur histoire. Plus ça va, plus je trouve l'idée de rupture erronée.
Je ne résiste pas à cette citation de FL Gall et Gwilhoù Rivoal natifs de Poullaouen, l'un en 1900 et l'autre en 1905, tous deux agriculteurs, chanteurs renommés mais également membres du cercle de Poullaouen (c'est pour les passerelles) revenant d'être allé chanter à Bruxelles. Quand on leur demanda comment c'était, ils répondirent "Oh, c'est comme ici, il y a des bretons partout et qui savent danser".
J'attends avec plaisir vos contradictions, vos accords, vos éclairages, en partant de vos terroirs de prédilection par exemple. Et avec des exemples si possible, qui valent souvent de grands discours. Méme si c'est ce que j'ai fait dans mon propos liminaire et par trop long;