Si en Auvergne, au 16e siècle, on dansait pas la bourrée - ce qui semble assez probable (ou plutot l'absence de preuves allant dans un sens ou dans l'autre est quasi-total)
"Rien ne le prouve pas", pour reprendre un vieux pastiche des guignols de l'info
Bref, on n'en sait rien.
est-ce que ça fait de la bourrée une danse "parasite"? est-ce qu'elle est seulement "envahissante" si elle est venue d'ailleurs? Est-ce qu'elle est seulement "envahissante" si elle est venue d'un milieu culturel dominant? Est-ce qu'elle est "envahissante" si elle contribue à l'élimination d'une autre danse? Est-ce qu'elle est "envahissante" si elle modifie une danse pour lui faire perdre ses caractéristiques "traditionnelles" (pour autant qu'on puisse les définir)? Est-ce qu'elle est envahissante si elle est réappropriée par la société traditionnelle en lui ajoutant des caractéristiques "trad"? Est-ce qu'on se soucie de poser des jugements de valeur sur des danses de par leurs origines en dehors d'un contexte de folklorisation revivaliste?
Eh oui, tu l'as dit, précisément : chacune de ces questions est orientée sur une demande de jugement de valeur Sur les motifs : trad/pas trad, populaire/pas populaire... Origine paysanne/folklorisation revivaliste : dans cette opposition, un age d'or paysan apparait évidemment en filigrane.
Dans ces interrogations, l'idée d'une pureté originelle est lisible en creux.
Les questions en disent souvent plus long que les tentatives de réponses.
Et paf, des faits qui éclairent comment répondre à toutes ces questions, n'en déplaise aux personnes qui ont peur de la pensée unique, sont décrits dans le petit Guilcher illustré.
Des "faits" sur la bourrée d'Auvergne, on n'en a pas tant que ça. Note que c'est un sujet sur lequel YG avance toujours sur la pointe des pieds (si j'ose dire
). Je ne suis pas du tout connaisseur de ce sujet, mais je suis convaincu qu'il y aurait plein de remarques à faire.
En fait, c'est à dessein que j'ai choisi l'exemple du set dancing. Les propos de Lanost sont immédiatement entrés en résonance avec des choses vues et entendues.
La danse populaire en Irlande a des liens avec le répertoire savant, précoces, féconds et étalés sur une longue période, plus une pratique continue, en partie parce que la ruralité y a duré longtemps, en partie du fait de l'action (toute critiquable qu'elle soit) de la Gaelic League.
Je ne souhaite pas entrer dans un débat là-dessus... Juste quelques pistes de lectures pour voir par vous même :
en français un papier d'Erick Falc'her-Poyroux : http://www.researchgate.net/publication/267209641_La_Ligue_Galique_et_son_hritage_-_une_puration_culturelle
une page bien documentée sur le site de cette asso brestoise : https://sites.google.com/site/blasceilteach3/qu-est-ce-que-le-set-dancing
pour les plus curieux (et anglophones), cette somme dirigée par Fintan Vallely : http://www.companion.ie/about/
(davantage orienté musique)
En tout cas une chose me semble certaine : pour ceux qui prétendraient faire une lecture universelle de l'analyse que YG fait du revivalisme, le cas de l'Irlande est une sacrée pierre dans le jardin.
(et je ne dis pas ça seulement pour les amateurs de menhirs, je sais qu'il y en a ici)
Vouloir croiser ça avec d'autres informations, c'est louable. Ne pas vouloir en entendre parler, mais quand meme se poser des questions, c'est ridicule.
Le ridicule ne tue pas
Pour ma part je veux bien entendre parler du petit livre rouge, puisque j'en ai appelé à une lecture critique - comme tu as dis, qui aime bien châtie bien.
Tirno, ta page de notes de lecture contient quelques petits éléments dans ce sens.
Quant aux questions, pour ma part je ne m'en pose pas tellement. Du moins pas celles-là.
La réponse à la question "d'ou viennent les différentes danses dites "traditionnelles""... Tu trouveras un début de réponse dans le livre rouge. Tu trouveras toutes les autres réponses qu'on connait dans les ouvrages cités dans le livre rouge. Et si on en sait pas plus, c'est qu'hormis les Guilcher, et quelques rares autres, tous les autres se sont posés des questions débiles et orientées du genre "est-ce qu'il y a des danses parasites".
Trouver dans un livre une réponse satisfaisante (fût-ce parmi une liste de réponses, et fussent-elles de qualité) me semble indigne de qui est épris de liberté.
Une lecture informe souvent beaucoup par défaut. Voir pourquoi un livre développe un point, et en ignore un autre. Quelles raisons font privilégier telle ou telle source. Tenter de comprendre les obsessions d'un auteur, s'interroger sur ses non-dits. Se demander où se situent les limites d'une thèse. Etc...
Pour moi, ça, ce sont des questions intéressantes, car elle renseigne sur les mentalités. Pratiquer une telle lecture "en creux" me semble le B-A-BA de l'esprit critique. Bon.
En revanche, en elles-mêmes, les questions musico-danso-existentielles ne me préoccupent vraiment pas. Mon opinion, c'est que :
- certaines questions n'ont tout simplement pas de réponse (ex. : qu'est-ce que la tradition ?).
- d'autres questions ont peut-être une réponse (ex. : dansait la bourrée au XVIème siècle ?), mais on a peu de chance d'avoir une réponse satisfaisante.
- dans les deux cas, souvent, c'est pas bien grave, et on se balance royalement de la réponse.
N'y voyez aucune provocation de ma part (du radicalisme si vous voulez).
Car honnêtement : si on répondait, d'une manière ou d'une autre, à toutes les grandes questions posées dans ce thread, est-ce que ça changerait votre pratique ?
Pour moi la réponse est d'un limpidité cristalline : non. C'est non avenu. Ce qui nourrit ma pratique et ma passion, c'est tout ce que j'ai absorbé au quotidien. On se trouve en contact de trucs qui ont 200 ou 300 ans. Et d'autres qui ont 80 ou 20 ou 10 ans.Nous sommes des éponges, et peu importe d'où ça vient. De toutes façons, tout passe par le prisme du présent. C'est ni bien ni mal. On n'y peut rien, c'est absurde de se débattre, ou même de penser qu'on a le pouvoir de contrôler ces influences.
Depuis que je me dis ça, c'est fou ce que j'ai gagné en sérénité.
La musique, la danse c'est ici et maintenant. Ca ne veut pas dire qu'on ignore les formes du passé. Bien au contraire, on utilise (volontairement ou pas) tout ce qui est à notre portée, on en fait ce qu'on peut. Si possible quelque chose de joli, de personnel peut-être. Ce n'est pas une doctrine, c'est juste un constat.
Vous allez peut-être me dire : on peut lire la conclusion du livre rouge sur un mode comparable. Dansez, jouez comme il vous plait, tout est autorisé. Cette lecture me semble d'ailleurs la meilleure possible. Néanmoins, YG s'empresse d'y poser un "mais" : n'appelez pas ça tradition. En gros : tu as parfaitement le droit de jouer un branle d'Ossau, et même les gens peuvent danser dessus. Mais faut pas appeler ça un branle d'Ossau.
C'est parfaitement recevable. Encore que l'application pratique de ce concept implique de sérieuses contorsions cérébrales - et en premier lieu pour l'auteur, qui se qualifie lui-même comme un acteur du mouvement revivaliste.
Personnellement je ne reconnais à personne (ni pionnier revivaliste, ni universitaire) de légitimité pour censurer les usages du quotidien. Aussi je continue à appeler une valse une valse, une bourrée une bourrée, et le branle de la montarde... et ainsi de suite, ne serait-ce que pour notre confort mental à tous, et par commodité de langage.
Pour le reste, ma vie est faite d'une préoccupation beaucoup plus triviale : tenter de jouer de la bonne musique, en y prenant autant de plaisir que possible.
Modifié par AntoineL, 23 févr. 2015 - 21:19.