Petit retour sur le chaud sur le tournage de ce film (Laeticia - ou Bernard - si vous passez par là, j'en discute volontiers avec plus de recul, et avec moins de cynisme).
De un, y'avait les moyens. Plusieurs cameramans, plusieurs perchemans. Un travail persistent (ils ont du presque tourner 24h/24). Ont-ils dormi? Je sais même pas.
Mais j'en retiens surtout un travail intrusif. Impossible pour moi d'ignorer la caméra, surtout quand elle est visiblement accompagnée d'une grande perche qui essaie de capter... je sais meme pas quoi.
Avec des tourneurs pas forcément très au fait du rythme de progression sur un parquet, je me suis à de nombreuses reprises trouvé gené phyisquement par la présence d'une personne pile là ou j'étais en train d'essayer de danser. Ca arrive. C'est pas grave.
Mais des fois on danse avec *la* personne. Il y a un enjeu que la danse soit "réussie". Parce qu'on sait que les danses avec cette personne sont rares, parce qu'on est intimidé, parce que c'est le bon jour, la bonne heure, le bon parquet, les bons musiciens. Dans ces cas, avoir un risque d'une caméra qui se pointe sur moi... bof...
Et quand il s'agit pas de la danse. La caméra était souvent là aussi. Et la perche. C'est bien de capturer les petits bouts de conversation et tout ca qui font l'humanité du truc. Mais intrusif. Quand on sait déjà pas trop quoi dire à quelqu'un pour entamer la conversation, se retrouver avec la caméra dans le nez....
Ou encore pire - quand on a quelquechose d'important à dire. Et qu'on voudrait que la caméra et la perche soient un peu pudique. Peut-être qu'ils l'ont été? Mais je ne l'ai pas vu. Et comme je ne l'ai pas vu, je n'ai aucune confiance en la capacité de ces observateurs à être pudiques, ni en leur empathie. (Je ne doute pas que le montage sera pudique, mais j'aurais voulu voir quelquechose qui s'éloignait plus des déboires de la téléréalité au niveau des prises).
Et enfin, quelques bribes me font penser que Le Grand Bal ne sera pas très représentatif de Mon Grand Bal.
De un parce qu'il y a de nombreuses subtilités dans ce qui se passe qui forcément ne peuvent pas etre expliquées - et qui sont difficiles à montrer. Pourquoi tant de gens qui errent de parquet en parquet pendant les boeufs? Pourquoi des gens qui font des bruits d'orgasme sur le parquet de No&Mi (d'ailleurs si vous me lisez, j'étais intérieurement mort de rire, parce que c'est drole - mais je savais aussi que pour No&Mi c'était une expérience vraiment difficile - genre le truc qui allait lui laisser un souvenir gaché de toute sa partie de bal - vous auriez vraiment pu mieux faire, quel que soit votre ressenti par rapport aux mazurkas shamallow, quelle que soit votre impression que Noémie ait téléscopé votre boeuf quelques soirs avant). Pourquoi y'a des gens qui font la chenille en travers les boeufs, ou chantent des chansons sur la levrette. Comment tout le monde vit ça?
De deux parce que forcément, quand on scénarise, on raconte une histoire, on éditorialise. Et un film ne peut raconter qu'une histoire à la fois.
Mais surtout parce qu'un même soir j'ai entendu "ouais on peut continuer à filmer sur ce parquet, on sait jamais, mais les gens sont pas très bien fringués", puis quelques heures plus tard, Bernard s'est exprimé (pour la première fois en dehors de réunions consultatives et de clotures de festival à ma connaissance) pour nous dire qu'on allait avoir un moment intime et privilégié et qu'il aimerait bien qu'on arrete de faire les cons pour respecter les musiciens et que ce soit filmable (je paraphrase - il a d'ailleurs ajouté une blague vraiment pourrie que les gens en fluo et les gens qui n'avaient pas pris de cours depuis plusieurs années pouvaient éviter de se trouver trop près de la caméra).
Intention louable, surement, surtout pour Nhac et Camille pour qui ca allait pas être facile de se faire une place là dedans. Mais merde! Un moment spontané ca se scénarise pas. Et ca se scénarise d'autant moins avec des blagues à deux balles sur les "mauvais danseurs" et les gens "mal fringués" (façon de dire tout haut ce que certains pensent tout bas mais n'osent pas dire? façon maladroite de faire de l'humour? Façon d'essayer de dire "on blague, on est ouvert à tout le monde", sans oser avouer qu'en fait non, on l'est pas mais au lieu d'en parler, on passe sous le tapis et on fait semblant? En tout cas dans un festival ou presque tout le monde à au moins une fois ou autre peur de pas etre "à la hauteur" et ou les filles doivent mettre le "costume folk" sous peine de pas se faire inviter à danser, ca manquait totalement de classe et ca nous a bien gaché notre fin de soirée - d'ailleurs, au bout de quinze minutes de ce "moment privilégié" - qui aurait vraiment pu l'etre si on nous avait moins demandé à ce qu'il le soit - la plupart des gens sont partis sur un parquet ou ca boeuffait vraiment)
Bref. Je me réjouis de voir ce film et de l'accuillir comme il est - de toute façon, il racontera un moment de bonheur intense et de joie partagée dans lequel je ne peux que me retrouver au moins un peu. Mais je me réjouis aussi de vivre un festival sans caméras l'année prochaine.