Bonjour,
Il y a en effet une très grande ressemblance entre ce bal de Saintonge et différents bals bretons. Ces danses ont très certainement la même origine.
Au sujet des musiques, on distingue bien deux parties. Si l'on regarde les bals bretons et ce bal saintongeais, la première partie correspond à une déambulation en cortège de couples, tandis que la seconde correspond à une figure. On ne doit pas également penser par hasard à une parenté avec les bals de gavottes et autres danses de Bretagne centrale, ni aux passepieds.
Au sujet des bals bretons, la particularité du bal à quatre de Rhuys (ou de Sarzeau), au cours duquel la déambulation se fait à quatre de front (mais la pratique du cortège a tendance à se perdre en fest-noz), cache peut-être l'intérêt, en ce qui nous concerne ici, de la figure, une simple ronde à quatre avec alternance d'appuis secs sur place, en balançant les bras vigoureusement (c'est breton, quoi).
https://www.youtube....h?v=n9sicxpet8w
Mais je laisse à mzkvls le soin de nous éclairer au sujet de ces bals bretons.
D'autre part, si "baller" correspond à "danser" dans le language populaire, il faut aussi se souvenir d'un mouvement emblématique des branles Renaissance, le balancé, qui est précisément une alternance d'appuis sur place, avec jeté de la jambe libre devant celle qui est posée au sol.
Pour revenir à la question de Rémin, comment passer de "baller" à la danse nommée "bal", je peux témoigner que le chaînon manquant me vient de Christian Pacher, lorsqu'il évoque le sujet des bals poitevins pour introduire le bal-limousine. Car le bal-limousine résulte, comme chacun sait, et à l'instar du cercle circassien, du collage de plusieurs danses : le bal et la limousine, et n'est pas le vestige d'un cousin des bals bretons et saintongeais (et si c'était le cas, on dirait "bal limousin"). D'autre part, qui dit "bal" (la danse), dit "pas de bal". Dans le bal-limousine, seule la partie "limousine" se fait en pas de bourrée ; la première partie doit se faire en pas de... bal, ici à trois temps.
À cette occasion, permettez que je fasse le vieux réac et signale que le pas et donc la danse pratiqués sur la partie "bal" du bal-limousine actuellement sont, dans la très grande majorité des cas, très déformés. Les danseurs n'ont tout simplement pas suivi de (bons) stages, et l'attrait de la vitesse fait le reste. Cela vaut également pour certains animateurs, mais bon. Car ce n'est ni du pas couru, ni du pas chassé, ni du pas boîté (99 % de ce qui se voit en bal, donc). C'est du pas de bal. Peut-être une autre explication, plus charitable pour les animateurs, est la confusion entre première partie de la danse bal et deuxième partie de la danse bal, le bal proprement dit (voir ci-après), mais en l'occurrence, le bal-limousine étant une création, il est facile de savoir quel pas il "faut" danser sur sa partie bal.
Le bal à deux temps :
Christian nous enseigne ensuite ce qu'il pense de la danse appelée autrefois "bal" en Poitou, ainsi que du pas employé.
Le bal, en tant que danse autonome, est une ronde où l'on se tient par la main, qui peut se danser à partir de deux personnes. On y retrouve les deux parties musicales et donc les deux parties dansées :
- Première partie : pas de base de branle (écart puis joint) à gauche, qui a sans doute naturellement évolué en pas marché, dès lors qu'on ouvre la ronde et que les couples se forment. Plusieurs danses du répertoire poitevin figurent cette ronde (ronde avant-deux), et même des créations de Christian P. (ronde de Chantecorps). Pour être franc, je ne sais pas si il a pu se pratiquer des pas plus complexes, ou plus enfantins, comme du pas chassé ou du pas découpé (3 appuis par mesure binaire), exactement comme on le voit sur le pach'pi breton. Les musiques actuelles, lentes, n'en donnent pas l'envie, en tous les cas.
- Deuxième partie : pas de bal proprement dit, un pas balancé (type Renaissance), avec mouvement des bras de plus grande amplitude (contrairement aux branles, si je me souviens bien), simplement pour accompagner le jeté de la jambe libre. Comme dans le cas des branles Renaissance et du bal de Rhuys, il s'agit d'alterner poser et jeter d'une jambe, le tout en alternance avec l'autre jambe, qui fait le même mouvement en décalé.
(oui, je sais, ça irait mieux avec un extrait vidéo ; on peut toujours se figurer la dernier pas d'un pas de quatre, genre demi-ronds des îles, mais sur place).
Le reste, c'est du style. Mais je me souviens que l'hypothèse de reconstitution de bal à deux temps était très proche finalement du bal de Rhuys pour cette seconde partie proprement balancée, mais en plus lent et moins tonique. En parlant de variations de style, les balancés du branle de Poitou, version moderne, sont très proches de ceux du bal de Rhuys (on se laisse tomber sur le pied fort pour rebondir et jeter la jambe libre). Il y a également une grande ressemblance avec les rondes enfantines "spontanées".
Le bal à trois temps :
Selon notre même informateur et maître, le dispositif est conservé lorsque l'on passe de deux à trois temps. Je ne me souviens pas si nous avions abordé la première partie de la danse, et il se peut qu'elle soit aussi diverse que la partie progressive d'un pach'pi breton (mais à trois temps), mais en ce qui concerne la deuxième partie, le balancé se fait maintenant sur 3 temps ET sur trois appuis. Là encore, chacun son style (je suppose), mais le rendu et la sensation sont proches de ceux du "pas de basque" du Sud-Ouest (dans le marin congo), avec appui du pied libre au deuxième temps sur la pointe, en avant du pied fort, sauf que c'est à trois temps ici. Je n'ai malheureusement pas trouvé de vidéo de marins congos autrement réalisés qu'en pas de polka (ou pire).
En Berry, nous appelons ce pas (quelque soit le style : amplitude du croisé, nature de l'appui léger, etc) : le brancillement, ingénument expliqué ici comme étant un "pas de bourrée" sur place. Mais c'est vrai que dans les styles Pays Fort-Sancerrois et Morvan, on s'éloigne beaucoup, lorsque l'on brancille, du doux balancé deux temps d'un branle Renaissance. Va donc pour du pas de bourrée.
Je crois me souvenir que Christian précisait que le passage à trois temps permettait un déplacement de la ronde sur la gauche (c'est pratiquement impossible de se déplacer en balançant à deux temps), à condition de sauter latéralement vers la gauche sur le premier temps, le reste du pas se déroulant comme sur place. Cela donne évidemment un très net style saccadé à cette partie balancée de la danse "bal", et cette originalité était censée être plaisante car peu courante et quand même assez ludique (mais essayez voir, c'est un peu athlétique). Le mouvement des bras en position basse est assez sec, comme dans le bal-limousine.
Ceux qui suivent, et qui pratiquent par ailleurs la bourrée berrichonne, n'auront pas manqué de faire comme moi le lien avec ce que nous appelons le "premier pas de l'Étoile", cette bourrée réputée difficile pour son exigence de coordination de nombreux danseurs, ainsi que pour ses deux pas qui restent sinon rarement interprétés dans le répertoire.
Pour les "panisiens" en tous cas, puisque je crois que c'est bien, là aussi, une danse d'assemblage, ce "premier pas de l'Étoile" se décompose comme suit :
- G posé à gauche ;
- D "croisé", pointe posée devant G ;
- G posé sur place (pas de possibilité de progression à gauche après D faible et déjà croisé vers la gauche)
- D }
- G } "pas de bourrée" sur place
- D }
En effet, contrairement à un pas de bourrée latéral, qui en Berry peut s'autoriser un franc décalage (jeté de jambe G) à gauche, comme c'est d'ailleurs le cas pour le deuxième pas de l'Étoile, on s'en tient pour le deuxième pas du module (appuis 4 à 6) à trois appuis semelles à plat et sur place, à la façon d'un branle simple.
La seule solution pour progresser vers la gauche sur une danse typiquement vive est d'alors d'exagérer le premier appui par un petit bond (ou "retombér") G, d'où le caractère très contrasté de ce pas, succession de "bonds" et de sur-place.
Si j'ai longtemps digressé sur la bourrée de l'Étoile, c'est que j'ai été frappé à l'époque par la similitude de sa première partie avec la partie bal du bal à trois temps.
Pour revenir au bal-limousine, Christian Pacher nous engage(ait) donc à pratiquer autant que possible ce pas de bal à trois temps (balancé à trois temps), ce qui ne convient certes pas à toutes les chevilles, et non un pas de limousine ou de marchoise, ni un pas d'école primaire ou autre pas chassé. Récapitulons une dernière fois : petit bond (1) tonique à gauche avec relaxation (2) pied droit plus ou moins croisé devant, puis (4-5-6) sur place. Le corps accompagne naturellement par un léger balancement DG.
J'espère ne pas avoir trop déformé les propos de Christian Pacher. D'une part, j'ai le défaut incorrigible de ne pas prendre de notes, d'autre part, c'était il y a déjà plusieurs années, et l'explication aujourd'hui serait peut-être différente.
Le balancé à trois appuis sur deux temps :
Je vais extrapoler un peu en faisant aussi le lien avec une version à deux temps de ce "balancé trois temps", qui devient "balancé à trois appuis", déjà mentionné avec le marin congo. Il ne faut en effet, à mon avis, pas beaucoup d'imagination pour le retrouver (ou le placer !) en Poitou dans le pas d'été à Bozier (sauf qu'ici l'appui 2 est à l'assemblée au lieu de croiser devant), la mouvante et l'avant-deux à Coutant (gommez la rotation du bassin et remplacez le pas derrière par un pas devant).
Je n'ai vraiment pas été fructueux dans ma recherche de vidéos depuis le début, alors je vous propose de chercher le "balancé à trois appuis sur deux temps" sur cette dernière (et à vous d'imaginer ce que cela donne à trois temps) :
Pas dété du Berry
Modifié par Rodrigue, 19 juin 2021 - 11:02.