Posté 15 sept. 2009 - 19:09
Bon, je m'y mets... ça va être un gros pavé ! Ne lisez pas tout, sautez allègrement des paragraphes, je mets tout ce à quoi je pense mais il y aura sans doute beaucoup de choses et de détails qui n’ont d’importance que pour moi.
*** D'abord, une précision sur la démarche : je suis prof des écoles, je pratique la danse à l'école, dans le cadre des apprentissages prévus par les programmes et les instructions officielles... et dans un esprit "scolaire". C'est une manière bien particulière de pratiquer, d'enseigner et de transmettre la ou les danse(s). En fait, je ne dirais même pas que « j’enseigne la danse » mais plutôt que « j’utilise les danses pour enseigner (et je les enseigne au passage) ».
Les caractéristiques de cette démarche :
- le plaisir de danser n’est pas un but mais un moyen (à court terme, avoir plaisir à danser dans la classe pour pouvoir apprendre ce que je cherche à leur apprendre ; à long terme, avoir vécu une expérience de pratique culturelle et coopérative qui apportait du plaisir, pour se sentir « chez soi » dans la culture et « solidaire » des gens parmi lesquels on vit)
- j’utilise les danses trad tant qu’elles répondent à mes besoins pédagogiques, et je me laisse l’entière liberté de les laisser tomber si un autre outil me convient mieux ; le corrélaire est que je ne dis pas à mes élèves qu’on apprend des danses traditionnelles, puisque je les mélange avec des danses qui ne le sont pas ; NB : si j’avais des élèves de cycle 3 (8,9,10ans), j’expliciterai ces nuances… avec mes pitchouns, non !
- en revanche, je tiens à maintenir « la liberté de ne pas danser » (contrairement à d’autres moments de la classe, celui qui veut rester assis le peut – je trouverai vraiment trop dur d’être « forcé à danser »), et pour ce qui est du choix des partenaires, j’incite à varier (j’utilise notamment des danses où on n’a pas le choix) mais en général je laisse quand même les copains-copines danser ensemble.
A noter : mon module de danses dites « à règles », où je me réfère aux danses trad, se déroule toujours en parallèle d’un autre module de danse, que j’appelle « danses de création », où je me réfère à la danse contemporaine. Les objectifs et les démarches me semblent complémentaires. On peut toujours discuter sur la terminologie, il fallait bien que je me trouve des mots…
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*** Mes objectifs :
- développer, enrichir, structurer le langage oral et écrit (c’est toujours l’objectif quand on bosse en maternelle) la réflexion et la mémoire ;
- faire progresser l’aisance corporelle globale (marcher, courir, sauter, tourner, se pencher…) , la précision et la coordination des gestes
- améliorer la structuration de l’espace (en haut, en bas, devant, derrière, à gauche, à droite, reculer, avancer, tous les mouvements qui correspondent) et la conscience du schéma corporel,
- développer la prise de conscience de l’autre, la communication, la coopération ;
- donner « du grain à moudre » à la sensibilité, la sensitivité, l’imaginaire et l’esthétique de l’enfant ;
- affiner l’écoute, donner une meilleure perception des timbres, rythmes, mélodies ;
- et enfin transmettre, éventuellement, un fond commun culturel : les danses.
*** Comment je m’y prends :
Avec les PS (3 ans) ou des enfants qui n’ont jamais dansé, je commence toujours par travailler sur des petites chansons traditionnelles, que je chante moi-même pendant qu’on danse. Plusieurs raisons :
- il est très difficile d’intéresser un élève de trois ans à ce que l’on fait, et souvent une musique enregistrée ne sera pour lui qu’un « bruit de fond » alors que quelqu’un qui chante devant lui le « captera » ;
- c’est le seul moyen de pouvoir, en un quart de seconde, arrêter, reprendre, ralentir, accélérer, monter ou baisser le volume, revenir au début ; or, les petits, si vous en avez plus de six et que vous les lâchez plus d’un quart de seconde, ils ne sont plus là…
- au début il est difficile pour eux de prendre des repères sur un rythme ou une mélodie, les paroles, ça aide ! (ex : « Quand on entend « Gentil coquelicot », on se prend par le bras et on tourne ! »)
Je me construis mes petites danses sur ces chansons, en visant au début un seul objectif /une seule difficulté par danse, qui seront ensuite combinées :
- pour le schéma corporel, les chansons type « savez-vous planter des choux », « Alouette », « mon âne »…
- pour apprendre à se déplacer en ronde ou en farandole (on ne le croirait pas, mais c’est une difficulté majeure au début : ils se tiennent par la main mais ne se suivent pas) , « Dansons la capucine », par exemple
- pour apprendre à danser à deux, « j’aime la galette »
Ensuite on fait évoluer : les types de formations (seul, à deux, en ronde, en farandole, en ligne les uns à côté des autres ou à la queue leu leu, en cercles concentriques, en cercles ou lignes de couples), les types de « prise » (détaché, par la main, le cou, la taille, le bras, en croisant les bras…), les types de déplacement (frontal, latéral, en tournant). Pas plus d’un ou deux éléments nouveaux à la fois.
En général, quand j’introduis une danse, je passe le moins de temps possible à expliquer, ou à montrer avant de faire faire. Pour les petits, c’est même pas de temps du tout : on fait, on découvre en faisant (pour eux un langage hors de l’action est souvent inaccessible – tout l’enjeu de la maternelle est de le leur faire acquérir mais ça ne vient pas en deux mois).
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Je ne travaille que très très peu les pas : quasiment tout se fait sur pas marchés, quelquefois sautés, éventuellement chassés pour les GS (5ans). Parce que c’est très difficile pour eux, qu’ils sont déjà parfois encore instables en marchant… j’essaie parfois d’introduire un « talon-pointe », mais c’est délicat ! Et de toutes manières ça les intéresse assez peu, et par rapport à mes objectifs ce n’est pas très utile, en tous cas pas prioritaire.
Plus tard dans la progression j’introduis la musique enregistrée, vocale ou instrumentale. J’ai une vieille cassette de bal enfantin qui trainait à l’école, j’utilise certains trucs, parfois je travaille la danse telle que décrite, parfois je l’aménage. La grosse difficulté est qu’on ne peut pas ralentir, donc à chaque fois je suis quand même obligée de chantonner la mélodie (comme dans n’importe quel atelier finalement, sauf les pros qui ont la même musique à trois tempi différents).
L’an dernier j’ai utilisé les deux CD « danser pas sorcier » et « danser pas bête » de Ballet de sorcières, en suivant plus ou moins la progression proposée par Christine Corgeron ; ça a marché du tonnerre. C’est vraiment un outil génial que je recommanderai à n’importe quel prof de primaire, les gamins ont adoré, ils étaient super motivés pour danser, c’était notre plaisir du vendredi !
Une fois les danses apprises ou au moins découvertes, j’utilise parfois des petits schémas qui représentent différentes phases d’une danse, et que je ferai « décoder », remettre en ordre, associer avec le titre de la danse… c’est d’abord pour moi un travail de lecture, écriture et langage, mais ça sert aussi d’aide-mémoire et ça peut permettre de consolider plus vite une danse.
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Voilà, j’en ai mis une grosse tartine et je ne sais pas si j’ai évoqué les points intéressants…
N'hésitez pas à commenter, critiquer et proposer, si ça peut me faire progresser dans mon boulot, ce sera très bien !