Voici une transcription de la vidéo, histoire de pouvoir préciser les conneries, et ce qui peut être sauvé autour...
Merci Rodrigue, bonne initiative. Ton boulot devrait permettre de maintenir un niveau correct de discussion, en permettant de comprendre qui dit quoi dans l'émission. Et d'ailleurs tous ne disent pas la même chose.
J'aimerais faire un peu de mise en contexte (pour ceux qui n'auraient pas de télé - ou ne regarderaient pas France 3

) La vidéo est un extrait de l'émission de Frédéric Taddei, "Ce soir ou jamais" sur France 3 donc. On est donc sur du service public généraliste, tendance 2ème partie de soirée. Donc, d'emblée, relax : n'attendons pas un cours de doctorat sur le rôle social de la danse, juste un talk show d'actualité culturelle. Bien sur, c'est la séquence promo du livre de Piolat - ça, tout le monde aura compris ;-)
Quant à la séquence sur les deux nanas en Afrique, c'est un extrait de "Strip-tease". C'est pas cochon, c'est juste une émission (très bonne, pour ceux qui n'auraient jamais regardé) de la RTBF - du moins au départ, une version de France 3 ayant ensuite pris le relais pour la France. Elle présente de manière documentaire des tranches de vie, le plus souvent de personnes lambda. Ca repose largement sur la suggestion, l'absence de commentaire (pas ou peu de voix off), et les personnes suivies par l'équipe sont filmées dans des situations quotidiennes, parfois tragiques, mais le plus souvent plus ou moins cocasses ou grotesques. En l'occurrence, avec les danseuses des canards, on y est...
Bref, c'est évident que la séquence repose sur le contraste et sur le ridicule; se lamenter là-dessus revient à enfoncer une porte ouverte. OK, ça peut déclencher une discussion, mais gardons à l'esprit que "strip-tease" reste sur un mode léger, suggestif et décalé. Pas de quoi en tirer des conclusions sur ce que Michel Onfray nomme "la décadence de notre époque".
Je pense qu'il vaut mieux ne pas pas prêter d'intentions particulières à ces deux filles, qui se sont mises à chanter un truc marrant à l'improviste dans une ambiance de fête.
+1

Revisionnez la séquence, vous constaterez que les deux danseuses des canards sont mortes de rire tout du long.
En miroir, l'interprétation par J. Piolat de la danse de la jeune africaine sur le mode "la vrai danse poulaire moulée à la louche" fait appel à ses (et à nos) fantasmes et représentations sur des notions tels que "populaire" et "tradition". En gros tu l'as déjà dit, laclaire, si j'ai bien compris.
Jérémie Piolat, dans l'émission
On n'est plus acteurs de notre culture aujourd'hui, on en est les spectateurs
(...)
Par pratique populaire, j'entends des pratiques qui sont transmises et transformées par les peuples, et non pas par des professionnels et des institutions. Elles sont transmises, transformées en famille, dans la rue, etc.
Michel Onfray, dans l'émission
On voit aujourd'hui des gens avec de costumes folkloriques et puis des Nikes... qui sont en train de danser, et on se dit : mais qu'est-ce que ça veut dire ?
(...)
quand la danse obéit à une nécessité culturelle, sociale, sociologique, politique, elle existe ; quand il n'y a plus ces nécessités-là, les danses disparaissent.
Je vais encore me faire l'avocat du diable (vous savez que j'adore ça

), mais bon : honnêtement, je ne vois pas ce que ces propos ont de plus débile que la moyenne de ce que je lis sur tradzone. En gros si je résume le discours de ces deux auteurs, c'est :
- la tradition c'est fini (pour les raisons historiques et sociales indiquées)
- tout ce qu'on voit maintenant en France, ça peut être cool à la rigueur, mais c'est pas de la danse trad
- et même, souvent, c'est même pas de la danse du tout, car les médias de masse ont remplacé la tradition par de la m...
J'écoute avec grand intérêt Michel Onfray quand il donne des cours de philo à la radio. Il est évident que si on l'interroge à la télé sur la bourrée auvergnate, sa légitimité est moindre. Je partage une partie de son raisonnement, mais pas tout et pas la conclusion. Il n'en reste pas moins que, ce qu'il dit là, on lit pratiquement la même chose dans un certain petit livre rouge que pas mal de tradzonards ont élu comme ouvrage de référence.
Alors tout de même : pourquoi, quand c'est dans la bible rouge, tout le monde trouve ça au minimum génial et profond (voire exact), et quand c'est Onfray qui le dit à la télé, la communauté tradzonarde hurle au scandale ?
Parce que sa question, à M.O., elle est légitime, et on se la pose tous plus ou moins : danser la bourrée en Nike, qu'est-ce que ça veut dire ? En tout cas, la prochaine fois que je le ferai, j'aurai un pensée émue pour lui

La vision de la capitale et la vision des régions n'est absolument pas la même. Il me semble qu'ils baignent dans une sorte de jacobinisme nostalgique(...)ils ne se posent pas la question(...)Ils semblent avoir une vision très jacobienne(...)ils voient la jeune danseuse malienne comme une gentille africaine
et hop, 12 millions de franciliens habillés pour l'hiver par ju-bzh comme étant des crétins racistes et autocentrés. Merci ça c'est fait. Au suivant !
le passage sur le jazz (13:40)... Comme quoi les esclaves originaires d'Afrique ont, je cite, "inventé le jazz dans le travail" aux USA. Stop la connerie...
Juste deux dates :
- Fin de l'esclavage : 1865 (proclamation d'émancipation 1863).
- Premier enregistrement de jazz (attribué à ODJB) : début 1917.
Mmmmh cette comparaison de date n'a pas beaucoup de sens : il est bien évident que les afro-américains sont longtemps restés relégués dans les couches les plus exploitées du prolétariat, et ceci bien après l'abolition, ce qui rend l'idée du "jazz musique inventée par une classe sociale dominée" pas forcément absurde a priori.
Bon, bref, comme tu le dis, c'est hors-sujet... et je m'empresse de préciser que je ne vais surement pas défendre Yves Roucaute, dont le discours (en général) a un parfum douteux, ça a déjà été signalé par Rodrigue... Observez d'ailleurs qu'on entend les autres gens sur le plateau protester hors micro pendant son intervention. Ju-bzh, ces "ils" que tu désignes à tout va, je ne pense pas qu'"ils" seraient ravis de se voir tous mis dans le même sac que Y.R.
J'aime également beaucoup un argument choc de la journaliste citadine : "oui mais à Paris, il y a pleins de cours de danse..." -> toi tu sors, tu sers vraiment à rien. Hehehe
Celle que tu appelles "la journaliste citadine" (je suppose qu'au moins un de ces deux termes se veut péjoratif, et je passe sur le caractère sexiste évident de ta remarque) s'appelle Judith Bernard, elle est prof de français et actrice. Les tradzonards qui regardaient l'excellente émission "Arrêt sur images", qui fit autrefois les beaux jours de France 5, se souviennent surement de ses chroniques.
D'ailleurs je crois que, depuis que l'émission est devenue un site internet (que
je vous encourage tous à visiter) J.B. y tient encore une chronique.
Elle n'intervient jamais en tant que
journaliste, ne l'étant pas. Mais au contraire avec son habituelle partialité de bon aloi.
En réaction aux interventions de Jérémie Piolat ("les français ne dansent plus") et de Michel Onfray ("la décadence de notre époque"), elle souligne l'énorme regain d'intérêt pour les cours de danse (chez elle
et ailleurs)
Et là (pour ceux qui en ont marre

) ça me fournit une conclusion.
La "danse commune" - trad ou pas trad, on s'en fout (moi, tout du moins) existait bel et bien pour la génération d'après-guerre, pour qui les danses de salon du "bal à papa" constituaient un esperanto de la danse. A peu près tous les gens de la génération de mes parents savent, au moins vaguement, danser un tango, une valse ou un rock. Cf le bal "musette" à Damada pour ceux qui étaient. Ces danses sont tombées en désuétude quand le "bal à papa" a passé de mode et s'est trouvé ringardisé par le phénomène disco, on va dire dans les années 70/80.
Les modes étant cycliques (et les gens au final assez demandeurs), ces danses de salon reviennent en force. Leur enseignement est en plein boom depuis plusieurs années. Je suis sur qu'il y a plein de gens sur ce forum qui pratiquent aussi la salsa, le tango ou le rock, ce n'est pas eux qui me contrediront.
Je trouve la réaction de J.B. assez saine et optimiste. En tout cas c'est davantage positif que les gloses, souvent catastrophistes, toujours interminables, qui accompagnent invariablement la définition de termes tels que "populaire" et "tradition".
Y a plein de gens qui dansent, ou re-dansent, et c'est encourageant. C'est tout ce que j'avais à dire