Accrochons-nous, Y, sur le mot "exigeant".

Une musique n'a pas à être exigeante pour le danseur, au sens d'être conçue dans le but de le piéger (mais non, ça n'existe pas, bien sûr), ou plus souvent en fait conçue sans penser à lui et et validée après coup en interrogeant des potes : "Est-ce que vous arrivez encore à danser ?" (j'ai raison ?) ; elle doit donner envie de danser. Elle peut être subtile par contre. Elle peut aussi trop demander à la moyenne des danseurs (air très porteur mais rapide par exemple) (il n'est pas question ici des airs joués trop vite par erreur ou méconnaissance).
Voilà en partie pour moi où se situe le désaccord : cette façon de fonctionner est pour moi, avec la maigre expérience que j'ai, les quelques musiciens de la scène de bal que j'ai pu rencontrer, largement fantasmée. Les quelques expériences qui consistent à envoyer chier les danseurs mais à profiter de la fréquentation des bals pour pouvoir tourner, c'est un phénomène très très largement minoritaire. Reprenons le cas de Bivoac par exemple. Les musiciens qui composent le trio ont d'autres formations concertantes à côté, et sont dans une formation à danser en parfaite connaissance de cause, en pleine connaissance du cahier des charges implicite à la pratique pour le bal. Et je réitère donc mon propos, en suivant le cas de Bivoac toujours : leur musique est conçue pour la danse. Dans la construction, dans l'intention, dans la connaissance et la maîtrise des styles liées à l'interprétation de telle ou telle danse et dans la réalisation pleine d'énergie. Tu parles de donner envie de danser ; et bien, sur un critère aussi subjectif que cela (et tant mieux que ça soit subjectif), Bivoac c'est pour moi un groupe qui donne envie de danser. Et on revient là à la limite des raisonnements qu'on évoque depuis quelques posts déjà : le critère est purement subjectif. Quant aux critères objectifs (on pourrait citer la cadence, le respect d'une certaine structure, etc.), ils sont pourtant bien là.
Si tu connais "La Machine" (https://myspace.com/...ang/music/songs), "Il est bien temps" est peu agréable pour le débutant qui resterait sur des appuis plutôt type polka et bien sur les temps, car combien elle est exigeante... mais combien c'est aussi le pied, même si on ne se met pas à compter les temps, de sentir que l'air accompagne la danse et plus précisément le mouvement, sans rien retrancher de ce qui fait un air de bourrée (c'est l'accent à des instants différents et le constant jeu avec la relance du mouvement qui est plaisant avec cet air). Maintenant, si d'autres expériences musicales ne révèlent leur nature géniale qu'avec un type de pas particulier, je dis : "chiche !". Il y a un moment où le danseur, selon son niveau technique ou de perception va décrocher, mais c'est le jeu.
Je ne connais que peu La Machine, mais je ne peut qu'être d'accord avec toi. Et j'irais même plus loin ce discours que tu tiens, je tiens exactement le même à propos de Bivoac. Je ne milite pas pour un j'm'en-foutisme vis-à-vis du danseur, je dis juste qu'une partie du répertoire d'un groupe peut jouer avec les limites et les conventions, et ça en fait un moyen d'expression et de jeu avec le danseur qui ne me parait pas disqualifier la démarche d'un groupe donné dans un contexte de bal.
Contre-exemple (non lié à Gwenfol) : je ne vois pas d'intérêt (et même pour les musiciens) à annoncer "ridée" et jouer un air avec levée, syncopé depuis le début, sans mélodie alternant ouverts et fermés, et à 7 temps. Qu'est-ce qu'ils recherchent exactement ? Mais si ce genre d'expérience arrive en milieu de morceau, une fois une ridée installée sur 6 temps, pourquoi pas, à condition, puisqu'on expérimente, d'en observer sa réception y compris négative, et non pas son nombril en se répétant : "Génial, on a renouvelé le genre."
Passons sur l'intention que tu prêtes à ces musiciens (on veut des noms !) de se poser en rénovateurs.
Peux-tu préciser ce que tu entends par « alternant ouverts et fermés » ?
Sur la ridée, c'est le mauvais exemple par excellence, puisque la majorité du répertoire traditionnel n'est pas à 6 temps, et la présence de levée est très fréquente. La plupart sont à 8, mais on trouve indifféremment du 6, du 7, du 10 temps. En fait pour la ridée (mais c'est aussi vrai pour le laridé), le musicien sert plus à donner un tempo qu'autre chose. Donc pour moi, si le groupe que tu cites a joué un air à 7 temps avec anacrouse, il est parfaitement dans les clous…
Il y a plein d'exemples de musiciens qui proposent des petits défis aux danseurs : qui de proposer des airs ou des compos dans un style très terroir, ou très personnel, de les inviter dans un univers musical pas évident de prime abord. Ils rencontrent leur public ou pas.
Entièrement d'accord avec ça !
Pour conclure, même si c'est bien facile de critiquer sans jouer ni composer de la musique, j'accepte de bon coeur que les musiciens aient un droit à l'exigence vis à vis des danseurs, mais d'une part cela fait d'eux d'office des danseurs exigeants ou de bons observateurs de la danse (ou troisième possibilité, des êtres très cultivés), sinon ils ne savent pas de quoi ils parlent, et d'autre part, avant d'être exigeants avec les danseurs, ils pourraient assurer le "minimum syndical, ce pourquoi ils sont payés", à savoir assouvir les exigences des danseurs.
(ce n'est pas comme si on demandait la lune)
Il y a là quelque chose que je ne comprends pas : on entend souvent dire qu'il faut savoir danser pour bien jouer un air à danser (je suis pas entièrement d'accord avec ça, mais passons), et du coup tu a l'air de dire qu'il ne faudrait plus que les musiciens soient eux-mêmes des danseurs exigeants ? Oui, assurément, je pense que l'écrasante majorité des artistes de bal ont une bonne, voire une très bonne, connaissance de la danse et de ce qui fait qu'une musique est bonne pour danser. Je revendique juste le droit de ces artistes à proposer quelque chose sans qu'ils se fassent sniper à chaque fois qu'ils chatouillent gentiment le danseur.