Anne Anachronique,
Puisque vous aimez commencer par des piques, je ferai de même. Si étayer c’est faire couler de l’encre, ce que je peux admettre, faire couler de l’encre n’est pas étayer. Pour ce qui concerne le style, on laissera à chacun le droit d’apprécier ou pas le votre, mais, à mon humble avis , l’excès de style peut nuire à la clarté du propos.
« Que la Bretagne soit une péninsule isolée linguistiquement pendant des siècles, c'est pas du mythe, c'est de la géographie et de l'histoire élémentaires. »
C’est effectivement élémentaire. D’abord parce que l’isolement linguistique ne concerne aucunement l’ensemble de la péninsule et que même pour la partie nommée Basse-Bretagne et qui est la zone « bretonnante », la théorie de l’isolement linguistique me paraît difficilement résister à des faits, comme la présence ancienne de gallicismes. Et également qu’on retrouve nombre de chansons dans le corpus brittophone populaire qui ont leur pendant dans le corpus populaire francophone. Je précise que je ne suis pas linguiste, ni ethno-musicologue et que si l’un d’eux se retrouve par ici, je serais ravi d’avoir une réponse à mon objection.
"c'est toujours à l'écart des grandes voies de communication et d'échanges que l'on trouve les cultures les plus originales et les traditions les mieux préservées."
Cette phrase que vous relevez est une citation approximative (d'où la prudente absence de guillemets) issue d'une de ses conférences, et il est probable qu'elle se trouve aussi à peu près ainsi dans son bouquin, pas pris le temps de rechercher. Mais c'est aussi une banalité on ne peut plus consensuelle et une réalité assez convenue :
il me semble qu'il est assez fréquent que les collectages s'effectuent au fin fond d'un village galicien, limousin ou d'un hameau breton et non sur les quais de la gare de l'Est ou au pied de la tour Eiffel ; dans une clairière amazonienne et non sur les ports les plus touristiques.
C’est beaucoup plus compliqué que ça, à mon avis. Contre-exemple : bien des régions où la musique « traditionnelle » est en meilleure santé sont des régions où les migrations vers Paris (et les allers-retours) ont été très massifs. Bretagne, Auvergne, Morvan par exemple…. Pour les coins que je connais le mieux. Je pense maintenant à un exemple récent qui pour moi, invalide la théorie des coins reculés, celui de Gisèle Gallais en Haute-Bretagne.
http://www.letelegra...14-10428247.php
b) Vous enchaînez direct en disant que la Bretagne et les autres campagnes françaises, c'est du pareil au même, on retrouve les mêmes caractéristiques partout.
C’est amusant de noter que vous ayez besoin de tant de mots pour dire un truc simple et que vous vous sentiez obligée de résumer une phrase pourtant pas très longue que j’ai écrite :
Ce qu'on appelle couramment culture bretonne, c'est en gros la culture paysanne du XIXe et du début du XXe siècle sur le territoire qu'on appelle Bretagne. Par un certain nombre d'aspects, elle présente des similitudes avec d'autres territoires fort éloignés.
Ben non, justement, s'il se la jouait autant "grand ponte", il y a longtemps que vous en auriez entendu parler, après douze ans à faire du kan ha diskan en Bretagne.
Si le monde du fest noz et des cercles celtiques le cite aussi peu, lui et son père, à la grande indignation de ceux qui ont lu leurs travaux avec un oeil éclairé et non partisan,
Encore une fois, une généralisation hâtive. C’est quoi le monde du fest-noz ? Je vais vous donner une autre explication. Ca a été huit ans pour ma part, pas douze. Que pour nourrir ma pratique, je ne me suis que peu intéressé aux écrits des chercheurs, mais plus à la matière brute. Le gros de mon apprentissage a été d’abord d’écouter quasiment exclusivement pendant un ou deux ans , que des collectages de chanteurs du terroir montagne, et de me promener sur le centre-Bretagne en discutant avec des gens du coin. Rien d’exhaustif, ni de rigoureux, je ne suis pas chercheur, et mon objet n’était pas de pondre une thèse mais d’essayer de m’imprégner le plus intimement de ce répertoire et de ses techniques. Le monde des cercles ne m’intéressait pas spécialement, la musique de bagad à de très rares exceptions près m’emmerde et je fréquentais surtout des festoù-noz où le programme ne consiste pas en un catalogue des soit-disant 400 danses « bretonnes » Ne danser que des gavottes me va très bien.
c'est parce que lui, comme son père Jean-Michel Guilcher, s'est justement toujours opposé au mythe d'un interceltisme fantasmé et que bien des idéologues du cru leur en veulent à mort pour ça. A l'enterrement de JM Guilcher il y a un an tout juste ou presque, les Basques lui ont rendu hommage solennellement, avec une couronne du style "Le Pays Basque reconnaissant" pour ses travaux sur leurs danses, mais aucune représentation officielle conséquente ou d'hommage de la part d'institutions comme Dastum, Kendalc'h ou autres. ,
Ce qui est étrange, c’est que mes fréquentations, et que moi même sommes plutôt opposés au mythe de l’interceltisme même pas forcené, puisque ça n’existe pas. Les bretons ne sont pas des « celtes », Une partie d’entre eux a parlé longtemps (et la parle encore pour un petit nombre, soit de naissance, très rarement, soit par apprentissage ) une langue celtique. Donc ni celtisme, ni interceltisme. Ca ne veut pas dire qu’on ne peut trouver aucune similitude entre les cultures populaires « irlandaises » et « bretonnes ». C’est juste qu’elles ne sont pas forcément plus importantes que ce qu’on peut trouver comme pont entre des régions non reconnues comme « celtes ». Je connaissais néanmoins l’existence des travaux de JM Guilcher. et il en est régulièrement fait mention dans des articles notamment de Musique Bretonne, la revue éditée par Dastum. D’ailleurs on trouve la réédition de l’ouvrage sur la boutique Dastum
http://boutique.dast...troller=product
... puisque vous me demandez : C'est quoi votre définition de la belle danse?
a) D'abord, il me semble assez amusant de faire comme si personne n'en avait aucune idée.
La belle danse, ça ne se définit pas, ça se voit, ça s'observe. Ca ne sert à rien d'essayer de définir la beauté d'un Rembrandt ou d'un Michel-Ange à qui n'a jamais vu que du Soulages ou du Klee*.
Et quels que soient les goûts de chacun, il y a de bons et de mauvais danseurs dans tous les styles.
Non ce n’est pas si simple. On peux voir des gens très gracieux, qui ne sont en rien des éléphanteaux ivres, qui connaissent parfaitement les pas, mais qui ne dansent pas « bien » à mon sens. C’est d’ailleurs amusant, nous sommes sur un site consacré au « trad », à débattre d’un article paru sur le site remplaçant Trad Mag et parlant de la pratique actuelle de la danse « trad », et vous me parlez de Rembrandt, vous illustré votre propos par des danseurs en représentation et dansant des danses plutôt guindées et « savantes ». Danser une gavotte avec cette esthétique dans la tête, pur moi, c’est comme faire le GR20 avec vos chaussures de bal vernies:). Mon ressenti, c’est que la notion de « beau » n’etait pas si centrale dans les pratiques populaires, au moins celles que je connais. Ca ne veut pas dire que ce n’est pas « beau ».
Au fond, à ce stade de l ‘échange, pour moi, vous êtes finalement proche dans votre démarche, votre analyse et vos goûts de ceux que vous désignez à votre vindicte avec Guilcher et cela tient plus d’une guerre de clocher et d’égo que d’autre chose.
Allez je finis ce trop long laïus par une petite perle
http://patrimoine-or...11&debut_art=20