Sinon, j'aimerais adresser à Christophe S. des remarques et deux critiques négatives sur sa lettre à Mustradem.
Je peux ?
J'allais t'en prier !
C'est rigolo quand Tirno est vénère, il retrouve son accent suisse...'de bleuu !
Hi hi
Ça arrive même à Lanost, donc ce n'est pas une question d'imprégnation dans la fondue depuis la plus tendre enfance.
Ma copie donc.
Je suis bien d'accord à plusieurs idées énoncées en pleins ou en déliés dans la lettre à Mustradem :
- que les projets d'avant-garde sont souvent soupçonnés d'intentions délétères, même lorsqu'ils n'ont que l'art pour objet ;
- que le terme néo-trad a été galvaudé, et ce par les tenants de courants plus portés sur les sources, dont P. Carcassès, par mépris ou par ignorance (réactionnaires ?). Si DÉDALE définit le genre, cela place haut la barre et il n'y a sans doute pas beaucoup d'élus : la plupart des formations de Mustradem, Minuit Guibolles, de nombreux groupes bretons de fest noz, et les groupes qui expérimentent certaines hybridations des genres.
Bien qu'il s'agisse aussi d'expérimentations musicales, d'avant-garde, je ne collerais pas par exemple l'étiquette néo-trad à un groupe comme Toad. Néo-quelque-chose, oui, mais je ne sais pas quoi. Et leur attribuer le néo-trad et à vous le néo-folk ne me semblerait pas pertinent car dans ce contexte, "néo" et "trad" seraient encore plus antinomiques.
- que ce néo-trad-là (post-DÉDALE) ne peux sérieusement pas être accusé de la soit-disante uniformisation des styles de composition et d'interprétation des danses et musiques d'inspiration traditionnelle, surtout si on se réfère à ce qui était produit dans les années pré-DÉDALE;
- que DJAL s'inscrit dans la continuité de DÉDALE qui lui même s'inscrit dans la continuité des expériences du début du revivalisme, une expérience qui a rencontré le succès, peut-être uniquement auprès d'un nouveau public, mais certainement auprès d'un public essouflé qui avait alors besoin d'être renouvelé.
- que le message de DJAL et de Mustradem en général, a toujours été limpide et jamais "falsificateur" : musique d'avant-garde (dans le sens de novatrice) comme une autre, avec une source d'inspiration assumée que nous partageons tous ici.
Peut-être étiez-vous trop en rupture dans les mots, même s'ils étaient alignés sur vos projets artistiques ?
Mais c'est clair que ce courant a eu des influences. Peut-être que je déforme trop les choses en regardant par le petit bout de la lorgnette nord-Centre France, mais où en serait-on par ici sans Blowzabella et DÉDALE (et Tapage, et Tarif de Nuit) ?
On recyclerait un Malicorne redécouvert dans les malles des parents ? Aurait-on vraiment l'envie de jouer et de se jouer des répertoires Langeron ou Simon (un exemple). Et où en serait la scène bretonne sans A.R.Y. ?
En revanche, j'ai l'impression que tu fais mine de croire que cette musique est "autonome" comme tout autre courant musical post-moderne : "secteur musical (...) confisqué par les danseurs", "fétichistes de la fonction".
Tu vois où je veux en venir. Un compositeur de tango ou de salsa peut très bien innover assez radicalement dans un cadre donné, par exemple celui d'une spectacle dansé d'avant-garde, où il a affaire à un chorégraphe (ou des improvisateurs) qui va travailler cette matière en amont et en aval ;
mais s'il veut être adopté dans les salons du weekend, je pense que ce même compositeur va tenir compte, par simple respect (et intérêt), de la pratique dansée existante, même s'il se nourrit de toutes ses expériences.
Après, il peut aussi tenir un discours politique et (chercher à) influencer à son niveau la pratique actuelle, soit en explorant les sources directement liées à ces danses, soit en explorant les sources liées à d'autres danses ou cultures, soit un peu des deux approches à la fois (ce n'est pas blanc ou noir ; et il n'y a pas de certification AOC à obtenir).
Dans cette même ligne d'idée, je redis que pour moi, un artiste peut très bien avoir plusieurs casquettes, plusieurs esthétiques.
Mon avis personnel est donc que vous composez ce que vous voulez sans avoir à vous justifier. C'est seulement lorsque vous mettez les pieds en bal que vous devez vous adapter à la pratique des danseurs. C'est pour cela qu'il m'est arrivé de parler de "fonction" de la musique que l'on nous sert en bal, et donc de son caractère fonctionnel comme l'un des critères permettant de l'apprécier. "S'adapter" n'est pas un mot si terrible que cela parce que du fait d'interactions multiples et de communautés de goûts, une partie des danseurs arrive à son tour à adapter sa pratique à une musique légèrement différente (en sonorité, en construction, en fonction). Réaction et contre-réaction. Vingt ans plus tard, P.Carcassès écoute un disque et vomit : le choc est trop rude par ce qu'il est resté en dehors du processus de co-évolution, et il en conclut qu'il y a le feu. Les autres savent que les mêmes artistes ont plusieurs casquettes et qu'il existe d'autres artistes aux esthétiques et aux choix politiques différents. Ils ont également compris qu'il vaut mieux servir du DJAL aux gamins des écoles que du Chantal Goya ou du Star'Ac.
Le deuxième thème que je voulais aborder, mais d'autres l'ont fait avant moi, c'est qu'indépendamment du message de cette lettre, il y a eu une hyper-réaction à des propos (ceux de P.Carcassès) qui manifestemment (après coups, à la lecture de ses clarifications) employait le mot néo-trad dans un sens très large, alors que nous sommes nombreux à l'associer prioritairement au collectif Mustradem et à un certain nombre d'autres groupes (Zef, Minuit Guibolles, beaucoup de projets belges, etc.).
Idéologiquement, ou par méconnaissance de l'éventail des offres musicales actuelles, le néo-trad devient le genre par défaut de tout ce qui ne fleure pas bon le pur trad, et pas seulement selon des critères esthétiques et politiques mais également des jugements de valeurs et du coup des goûts personnels (à la fois au niveau de la musique et de la danse). On a tous nos préjugés (par exemple vis à vis de l'accordéon chromatique), mais le néo-trad ne se définit pas parce qu'il est mal joué, mal documenté ou pas adapté à certaines formes de danses. Ce genre de comportement approximatifs se rencontrent aussi dans le "trad" (ou alors, comment définir le genre musical de celui qui joue machinalement deux lignes sur une partition sans même en connaître ni son auteur ni la danse ?). Tu le constates toi-même ("Aujourd'hui, le terme néo-trad semble englober tout et n'importe quoi.") mais tu ne sembles pas en avoir tenu compte dans ta première réponse sous forme de lettre ouverte à Philippe (la lettre de Mustradem n'étant pas une réponse, je le sais bien).