Oui, comme tu dis, crmtlimousin : enfin.
J'ai moi aussi l'impression qu'on commence à discuter. Un peu de fraicheur et de liberté.
Dans l'observation des sociétés et des individus, il n'y a pas de regard qui résume ou "observe" de manière univoque et plus scientifique (...)
souvent d'ailleurs, celui qui le prétend fait semblant d'ignorer sa propre ombre et les mobiles "sensibles" qui ont initialement mobilisé sa quête et sa recherche.
Je suis tellement d'accord. Dans ce domaine, comment prétendre laisser son propre imaginaire au vestiaire ?
Pour continuer dans la même et salutaire veine "déconstructrice" d'étiquettes et de souverains poncifs, il n'est pas plus nécessaire d'opposer "scientifique" et "artistique", "collectif" et "particulier"...
Je ne crois pas non plus qu'il faille exclure la dimension " mythique" des choses pour approcher la vérité du monde. Elle est même le carburant essentiel de toute ré-appropriation
Hé, d'habitude c'est plutôt moi qui joue les radicaux. C'est un comble
Mais tu as raison. Si je poursuis cette veine, il est logique de remettre en cause les images d'Epinal du "scientifique", du "passeur", du "collecteur" et du "collecté"... et de l'"artiste". D'ailleurs, dans son mémoire, Clémence parle très bien du culte qui, à la suite de collectages, s'est développée autour de ces figures.
Pour la dimension mythique, mmh, je suis peut-être trop matérialiste. On en reparlera dans quelques années.
"ces musiciens nous ont transmis ne sont sans doute pas des faits historiques mais la conscience qu'ils ont de leur musique et qui illumine leur travail (de musiciens ndr), leur rapport avec la tradition, avec la vie, etc...".
Comprendre comment un musicien met en perspective sa propre musique : ça redistribue un peu les cartes entre le savant et le collecté.
j'ai pas l'impression que, dans leur travail d'ethnologue, lesdits scientifiques (« démarche scientifique », ça n'a aucune autre prétention que de définir une méthode de collecte ou d'analyse des sources, et de s'y tenir, je ne crois pas qu'il faille prêter une quelconque volonté de vérité là-dessus) aient prétention à dicter des critères esthétiques à respecter. Les deux seules « bibles » que j'ai lu c'est La tradition de danse populaire, etc. de J.M. Guilcher et La danse de tradition populaire, etc. de M. Clérivet. Et dans ces deux ouvrages, on se « borne » à décrire la pratique dansée en fin de tradition populaire.
"Se borner à décrire" comporte surement beaucoup d'implicites. Mais OK, là tu parles des travaux de JMG en Bretagne. Si je dois être clair, je visais surtout le livre rouge d'YG, car c'est celui que j'ai lu, et dont on me rebat constamment les oreilles sur ce forum.
Or YG n'est pas un observateur neutre depuis une tour d'ivoire universitaire. Bien sur que son bouquin présente une thèse. Relisez donc la fin du bouquin : il proscrit l'usage par ses contemporains de tous les termes liés à la tradition. Des injonctions visant à contrôler le langage, sous couvert de science : c'est le premier outil de l'idéologie.
Donc, bien sur que j'ai le réflexe d'établir une distance de sécurité. Et envie d'interpeller les copains : en somme, qu'est ce qui vous meut ? Ces obsessions sont-elles bien les vôtres ? Pensez à vos propres motivations, elles sont importantes. Les injonctions sous couvert de science, oubliez-les.
J'ai l'impression que le côté donneur de leçon vient plus des lecteurs de ce genre d'ouvrage.
Ca, c'est très vrai. Le truc, c'est que le premier lecteur de JMG s'appelle YG. Le livre rouge est pour une grande partie conçu comme une leçon (et parfois une leçon de morale) à l'attention des revivalistes. Bien sur, l'auteur est assez fin pour prendre toutes les réserves nécessaires. La suite de la chaîne, c'est les lecteurs du lecteur. Et maintenant les lecteurs sur TZ des lecteurs du lecteur. Le zèle pallie le manque d'érudition, et ce de manière inversement proportionnelle. C'est tout à fait classique.
Tu as des cas (très nombreux) où un style individuel (danse ou musique) a été érigé pendant le revival comme un archétype de style régional (...) Or si tu compares un peu les sources, tu te rends compte que, même à une échelle très locale, le style musical est avant tout et en écrasante majorité un style de personnes.
Travers connu, c'est vrai.
En même temps ça permet de remettre un coup de tatane sur la tête des "revivalistes". Encore une fois, l'usage des mots est tout sauf innocent. Il faut mesurer la dose d'idéologie convoyée par ce terme de revivalisme. Il est au cœur de la thèse du petit livre rouge (bien résumée par son titre). Prononcez le mot, et c'est magique, le décor est planté. Vous visualisez tout de suite le "revival" - donc le vrai truc c'est mort, on le fait revivre mais c'est pour de faux, une espèce de jeu de rôle, bal folk façon disneyland. Important : un suffixe en "isme", qui indique bien que le revivalisme est un idéologie. Ce qui est bien normal, car le terme s'applique à la plèbe des folkeux : idéalistes mais pas très cultivés.
Maintenant, quant à nier le rôle de l'individu, il me semble que le livre rouge se pose là, lui aussi. YG y rappelle constamment le rôle du collectif dans "la société paysanne" (encore une belle catégorie abstraite, lourde d'implicites). Pour mieux l'opposer à la place de l'individu dans la pratique des revivalistes. Sous cet angle, le bouquin est un véritable festival. Désolé je ne l'ai pas sous la main pour vous en faire un florilège.
Je vous passe le couplet sur le plaisir (le fameux "le danseur traditionnel ne sourit pas"), qui serait juste désopilant si ce bouquin n'était pas cité si souvent sur ce forum comme si c'était l'alpha et l'oméga à assimiler pour une pratique intelligente.
Pour la danse c'est pareil
Argh, alerte rouge !! Une grand partie de nos problèmes AMHA vient d'extrapolations abusives d'observations guilcheriennes. De même que ce qui est vrai en basse-Bretagne ne l'est peut-être pas dans le Berry, ce qui est vrai de la danse n'est sans doute pas vrai de la musique. Le mode d'apprentissage d'un instrument, la place sociale du musicien... voilà qui risque de rendre la donne bien spécifique.
J'ai souvenir de discussions du même ordre sur la musique irlandaise, où il ressortait que bon, les styles régionaux sont affaire de simplification faites pendant le revival, et que ça tient plus à des individualités marquantes qu'à une propriété intrinsèque d'une quelconque zone géographique.
Je saisis cette perche au vol :-)
Pour commencer, et même s'il y a eu un "revival folk", allez donc expliquer aux musiciens irlandais qu'ils sont des revivalistes non traditionnels. A mon avis c'est la pluie de tomates assurée.
Ensuite, si la notion de "style régional" en MTI a été si présente dans les esprits ces dernières décennies, les musicologues y sont quand même aussi pour quelque chose.
C'est vrai que le courant s'inverse maintenant. Les musiciens que j'ai rencontré récemment et qui trainent à l'université me disent que cette notion est de plus en plus contestée, au profit des influences individuelles entre musiciens. Tu me diras, ça peut se traduire par exactement la même chose, mais les implications idéologiques sont très différentes (et on a vu que les universitaires ne sont pas exempts d'idéologie).
Maintenant, qu’on soit fan de collectes ou pas, plus qu’un réel choix individuel, n'est-ce pas peut-être, avant tout, une question d’histoire personnelle, de milieu familial ou social, de lieu de résidence et d’entourage musical ...
Sans doute. Je t'accorde que, ne jouant que des instruments inventés il y a en gros un siècle... et sur un autre continent... et puis n'ayant pas joué de musique française avant l'age de 30 ans.... je vois toutes ces histoires de très très très loin.
et aussi d’accessibilité aux documents ? Celle-ci a fait un grand pas en avant avec Internet, mais est encore loin d’être totale.
+1. A quand le grand soir de la mise en ligne ? 
Modifié par AntoineL, 17 août 2015 - 17:09.